Part 2
Part 1
Recherches sur les boulangeries de l’Italie romaine – campagne 2014
Nicolas
Monteix, Sanna Aho, Audrey Delvigne-Ryrko et Arnaud Watel
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matériel suivant est © Ecole française de Rome.
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Merci
à Nicolas Monteix et à ses collègues.
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Our thanks to Nicolas Monteix and colleagues.
Comme en VII 12, 7, la
boulangerie VII 12, 11 ne présente ni meule, ni pétrin mécanique.
Plusieurs pièces ont été partiellement ou intégralement nettoyées afin de
tenter de mieux comprendre l’organisation de l’espace, en dépit de certaines
interventions modernes qui nous ont interdit de nettoyer certaines pièces.
Ainsi, la pièce 5 ne peut pas être atteinte à l’heure actuelle suite au bouchage de la porte la mettant en communication
avec la pièce 4 (Note 32). Les pièces 6 et 9 – cette dernière étant
une probable latrine – servent à contenir des résidus d’éboulis amassés au
fil des années (fig. 48).
Note 32 : Outre le bouchage de la
porte visible dans la maçonnerie, le passage est donné comme ouvert par G.
Fiorelli (1873, pl. vii).
Fig. 48 – Pompéi,
boulangerie VII 12, 11 – Relevé de l’ensemble de la boulangerie.
Échelle : 1/100.
Relevé / dessin : F. Fouriaux /
S. Aho / S. Mencarelli – EFR.
La boulangerie est installée dans la
partie méridionale de l’édifice. Cette fraction est remarquable par son
uniformité de construction, en particulier dans ses murs périmétriques.
L’intégralité du mur occidental et la majeure partie du mur oriental – au
nord de la pièce 12 – sont réalisées en opus incertum mélangeant moellons
de calcaire « du Sarno », basalte et tuf jaune, disposés au-dessus
d’un massif de réglage construit avec six assises de tuiles ou de briques. Il
est très probable que ce mur soit une reconstruction à l’identique d’un mur
préexistant ayant le même tracé ; sa restauration pourrait alors remonter
aux travaux consécutifs au séisme de 62/63 (Note 33).
Note 33 : Cette hypothèse s’appuie
sur les observations effectuées en 2008 dans la boulangerie mitoyenne VII 12,
13, où le même mur, appuyé sur un mur arasé, a été observé.
Les éléments renvoyant aux phases
antérieures à l’installation de la boulangerie sont peu nombreux et rarement
clairs. Le mur méridional sur lequel s’appuie le four et l’ensemble des
structures observées est le plus ancien. On notera également, dans l’angle
sud-est de la pièce 10, les vestiges d’un aménagement d’interprétation
incertaine (fig. 49) (Note 34). Les éléments maçonnés subsistant prennent
la forme d’un quadrilatère – se prolongeant éventuellement vers
l’ouest – avec une dépression en son centre. Cet amas était enduit sur son
côté septentrional et était bordé, toujours vers le nord, pas un sol en béton
gris lissé. Dans une phase postérieure à la démolition de cette construction,
un muret est-ouest est bâti immédiatement au nord de celle-ci.
Note 34 : G. Fiorelli (1873, p. 18) y
voit, sans explication ni conviction, un focolare.
Fig. 49 – Pompéi,
boulangerie VII 12, 11 – Vue d’ensemble de la pièce 10 après son nettoyage.
Vue du nord.
Cliché : S. Aho – EFR.
Le four a été construit en appui sur le
mur méridional et sur un mur préexistant à l’ouest, utilisé comme refend avec
la pièce 12.
Lors de sa construction, il apparaît
dépourvu de mur diaphragme.
Sa façade aurait cependant déjà comporté
des tuiles (fig. 50) ; en avant se développait un autel (/table).
Fig. 50 – Pompéi,
boulangerie VII 12, 11 – Chauffe-eau incorporé dans le mur diaphragme du four
dans une seconde phase.
On note que la façade initiale (à gauche)
était construite en tuiles (vue du sud-est).
Cliché : F. Pauvarel – EFR.
Il n’est pas possible de définir si un
passe-pains avait déjà été percé dans le mur occidental : son parement a
été intégralement restauré, interdisant toute lecture des transformations de la
maçonnerie. Il semble cependant que, durant cette première phase, l’accès à la
pièce 12 n’ait pas été placé dans l’immédiate proximité de l’autel du
four : un mur de refend continu pourrait avoir longé le four. Enfin, il
est possible que l’espace disponible en avant du four ait été limité par un
muret orienté nord-sud dont ne subsistent que les fondations, suite à son arasement lors de la phase suivante.
Ce n’est probablement que lors de la
construction du mur diaphragme et de ses différents équipements que la
configuration spatiale de la boulangerie change. La pièce 7 est définie
par la construction d’un mur la séparant de la pièce 12. Aucune activité liée à
la boulangerie ne semble y être installée (note 35). Le four est doté d’un
avant-corps qui comprend, à l’est, un chauffe-eau alimenté par un tuyau en
plomb, et à l’ouest, un passe-pain communiquant avec le fournil désormais
installé dans la pièce 12. Au pied du massif constituant le mur diaphragme, à
l’est, un fond de Dressel 20 a été installé, afin de recevoir l’eau en excès
provenant du chauffe-eau (fig. 51) (Note 36).
Note 35 : Un nettoyage y a été
effectué, pour vérifier l’éventuelle présence d’un pétrin, recherche fondée sur
le système de poutraison qui aurait permis une telle installation. Rien n’a
permis de confirmer cette hypothèse. Le sol, constitué de terre battue, ne
présente aucune trace pouvant renvoyer à l’installation d’un pétrin.
Note 36 : Un tel aménagement est
relativement fréquent dans les boulangeries munies d’un chauffe-eau. Voir, e.g. Monteix et al. 2014, § 30, 35.
Fig. 51 – Pompéi,
boulangerie VII 12, 11 – Fond d’amphore utilisé pour recevoir l’eau en surplus
issue du chauffe-eau.
Vue du sud.
Cliché : S. Aho – EFR.
Le couvrement de l’espace entre le mur
diaphragme et la façade du four est assuré par une voûte constituée de
fragments de briques. Une cheminée est construite au sommet ; le conduit,
réalisé avec un tuyau céramique, est protégé par un massif de maçonnerie
sensiblement quadrangulaire (fig. 52-53).
Fig. 52 – Pompéi, boulangerie
VII 12, 11 – Élévation de la façade. Échelle : 1/100.
Coupe transversale en arrière du mur diaphragme, coupe transversale dans la
chambre de cuisson (en haut) ; coupe longitudinale, élévation occidentale
et élévation orientale four (en bas).
Relevé / dessin : F. Fouriaux / S.
Mencarelli – EFR.
Fig. 53 – Pompéi,
boulangerie VII 12, 11 – Vestiges du massif gainant le conduit de cheminée.
Vue de l’ouest.
Cliché : N. Monteix – EFR.
Dans la pièce 12, des tables de façonnage
et des étagères sont installées. Comme souvent, ne subsistent de ces
aménagements que des vestiges d’interprétation délicate, en raison notamment
des techniques de construction déployées, qui montrent une adaptation aux
matériaux disponibles plus qu’un choix véritablement raisonné. Ainsi, les deux
pieds de tables disposés contre le mur méridional sont construits en remployant
des blocs de basalte pour l’un, tandis que de l’autre ne subsiste qu’une tuile
fragmentaire posée à plat sur un lit de mortier (fig. 54).
Fig. 54 – Pompéi,
boulangerie VII 12, 11 – Vue générale de la salle de façonnage.
Vue de l’est.
Cliché : S. Aho – EFR.
Le pied installé contre le mur occidental
au nord témoigne d’un bricolage élevé au rang de grand art : un fragment
de mur maçonné a été remployé presque tel quel avec quelques éléments ajoutés
au sommet, le tout déposé sur un lit de mortier (fig. 55).
Fig. 55 – Pompéi,
boulangerie VII 12, 11 – Pied de table maçonné, remployant un fragment de mur.
Vue de l’est.
Cliché : S. Aho – EFR.
La construction de son pendant, situé à
1,14 m plus à l’est, a été réalisée avec un tel soin qu’il n’en reste
qu’un moellon de basalte dans un lit de mortier. En outre, quatre étagères
superposées ont été installées sur les murs sud et ouest. Les encoches creusées
dans la partie occidentale du mur méridional ont disparu, rebouchées par des
restaurations modernes, ce qui rend difficile la restitution de l’ensemble.
Cependant, comme pour les pieds de table, une certaine improvisation semble
avoir présidé à la mise en place de ces étagères : seul, et c’est heureux,
le principe d’horizontalité a été considéré ; l’alignement vertical des
supports est beaucoup plus hasardeux (fig. 56). En tout, ce sont néanmoins
entre 12 et 20 m linéaires permettant d’entreposer les pâtons pendant la
levée qui ont été mis en place (Note 37).
Note 37 : Il est possible que les
étagères des murs sud et ouest n’aient pas fonctionné en même temps : vue
la faible profondeur de la table méridionale, l’installation des étagères sur
le mur sud aurait pu vraisemblablement gêner le travail de façonnage. Il n’est
cependant pas possible de déterminer une éventuelle succession chronologique.
Fig. 56 – Pompéi,
boulangerie VII 12, 11 – Mur méridional de la salle de façonnage.
Vue du nord.
Cliché : S. Aho – EFR.
Enfin, bien que sans lien immédiatement
clair avec la production de pain, divers aménagements liés à
l’approvisionnement en eau ont été observés. Tout d’abord, dans la salle 4, un
nettoyage ciblé a permis de comprendre le fonctionnement du large tuyau de
plomb vertical fixé au mur occidental de la pièce (fig. 57). Cette fistula recueillait les eaux météoriques pour les convoyer
dans un bassin quadrangulaire dont seul le fond est constitué d’un revêtement
hydraulique, suite à la disparition de l’enduit des
parois. Un tuyau céramique inséré dans la paroi septentrionale du bassin permet
l’évacuation des eaux reçues. Son parcours est ensuite protégé par un massif
maçonné, jusqu’à ce que, selon toute hypothèse, il rejoigne la citerne de
l’édifice.
Fig. 57 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 11 – Bassin de réception des eaux météoriques en cours de
nettoyage (à g.) et à l’achèvement de celui-ci (au centre ; vues de
l’est).
À droite, détail de la canalisation
d’évacuation (vue du nord).
Clichés : S. Aho – EFR.
La bouche de celle-ci a été observée dans
le couloir 3 qui relie la boutique de façade aux espaces de fabrication
(fig. 58).
Fig. 58 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 11 – Bouche de citerne et bassin de réception des eaux dans
la pièce 3.
Vue de l’est.
Cliché : S. Aho – EFR.
Un catillus fortement usé avait été
déplacé par-dessus, nous amenant à nettoyer la zone pour comprendre son
éventuelle utilisation en remploi, d’autant plus intrigante que la boulangerie
n’est pas supposée avoir eu des meules (note 38). La bouche de citerne
appartient à un ensemble plus complexe qui paraît avoir subi des remaniements.
Tandis que dans l’angle sud-ouest de la pièce se trouve un remblai inachevé ou
partiellement détruit, à la bouche, de plan circulaire, a été accolé un bassin
quadrangulaire qui communique avec elle par une perforation effectuée dans sa
paroi septentrionale (Note 39). Le bassin, plus profond que celui de la
pièce 4, présente un profil arrondi à l’ouest, vertical sur les autres
côtés. Sa paroi orientale est percée de deux canaux. L’un, provenant de l’est,
est réalisé avec un tube céramique ; le second, aménagé directement dans
la maçonnerie avec un petit linteau en basalte, se dirige plus vers le sud-est.
Bien qu’aucun tuyau d’adduction n’a été conservé, le
parallèle entre le bassin de la pièce 3 et celui de la pièce 4 est assez
marquant. Ces deux constructions pourraient donc être le signe d’une réfection
du système de captage des eaux de toiture, destinées à être recueillies dans
une citerne préexistante.
Note 38 : Ce catillus
a été décrit par G. Fiorelli (1873, p. 18) en ces termes peu
satisfaisants : « in fondo un’altro compreso (b [=2]), accanto al
quale una fauce (c [=3]) ove in origine stavano le macine che poi furono tolte ».
Note 39 : Ce percement pourrait être
lié à un effondrement partiel de la paroi séparant le bassin de la citerne.
Fiorelli 1873 =
G. Fiorelli, Gli scavi di Pompei dal 1861 al 1872, Naples, 1873.
Nicolas
Monteix, Sanna Aho, Audrey Delvigne-Ryrko et Arnaud Watel, « Pompéi,
Pistrina », Chronique des activités archéologiques de l’École française de
Rome [En ligne], Les cités vésuviennes, mis en ligne le 01 juillet 2015.
URL : http://journals.openedition.org/cefr/1380