Part 2 Part 1
Recherches sur les boulangeries de
l’Italie romaine – campagne 2014
Nicolas Monteix, Sanna Aho, Audrey
Delvigne-Ryrko et Arnaud Watel
Le matériel suivant est © Ecole française
de Rome.
Utilisation soumise à CC-BY-NC-SA
4.0
Voir http://cefr.revues.org/1380
Merci à Nicolas Monteix et à ses
collègues.
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Our thanks to Nicolas Monteix and colleagues.
Située sur le parcours de la plupart des
visites depuis sa découverte, cette boulangerie a subi de nombreuses transformations,
dégradations et restaurations. En raison de cela, et en particulier de
l’ensevelissement moderne qui a touché de nombreuses pièces, le nettoyage a
finalement été limité pour l’essentiel à la salle des meules et à la partie en
avant du four. Nous ne reviendrons pas dans ce cadre sur les données résultant
des fouilles menées entre 2003 et 2006 par l’université d’Innsbruck dans la
partie occidentale de l’îlot VII 2 en général et dans cette boulangerie en
particulier (Note 20).
Note 20 : Sur ces fouilles, voir en
particulier pour la boulangerie Oberhofer 2008.
L’extension des sondages n’est cependant indiquée que dans l’article de
L. Pedroni (2008, fig. 2, p. 238)
Le nettoyage de la salle des meules a
permis d’effectuer le relevé des blocs de basalte constituant le dallage
disposé autour des moulins (fig. 32-33).
Fig. 32 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Relevé de l’ensemble de la boulangerie.
Échelle : 1/100.
Relevé / dessin : F. Fouriaux / N.
Monteix / S. Mencarelli – EFR.
Fig. 33 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Vue générale de la salle des meules.
Mosaïque de photos.
Clichés : F. Pauvarel – EFR.
L’enchevêtrement des blocs est tel qu’il
laisse supposer que les quatre meules ont été érigées au cours d’une phase
unique. Il convient ensuite de signaler que cinq meules sont actuellement
visibles dans la boulangerie, seules quatre sont véritablement en place. La
cinquième repose sur de la terre moderne et apparaît avoir été déplacée entre
les années 1970 et les années 2000, après avoir longtemps été déposée en deux
morceaux dans la boulangerie, la meta contre le mur méridional de la salle des
meules, le catillus à l’est du four (Note 21). Dans la salle du pétrin, un test
a été effectué pour vérifier si cet aménagement était en place et la nature de
sa fixation au sol. L’épaisseur du remblai moderne, supérieure à 0,40 m,
nous a amené à abandonner cette exploration qu’il aurait fallu mener sur
l’ensemble de la pièce. On signalera cependant l’extrême dégradation de la lame
de frasage, réduite à moins d’une vingtaine de centimètres, alors
qu’A. Mau l’a décrite intacte en 1886 (fig. 34) (Note 22). De la même
manière, la salle située au nord du four, vraisemblable espace de façonnage des
pâtons, en communication directe avec le four à travers un passe-pains, n’a pas
été nettoyée eu égard à l’épaisseur supposée d’ensevelissement moderne.
Note 21 : Les différentes
photographies proposées sur Pompeii in pictures
(© Jackie & Bob Dunn) permettent voir les deux fragments de meules séparés
jusque dans les années 1970.
Note 22 : Mau 1886, p. 47,
pl. III. Ce processus de dégradation des lames est également à l’œuvre dans les
boulangeries V 3, 8 et IX 12, 6.8, dont les pétrins ont été
respectivement dégagés en 2008 et en 1987.
Fig. 34 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Intérieur de la cuve du pétrin.
La lame de frasage, particulièrement
endommagée, reste perceptible.
Cliché : C. Salviani – EFR.
Nous avons procédé au nettoyage du bassin
construit pour partie dans l’emprise du péristyle se développant au sud du four
(fig. 35-36).
Fig. 35 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Vue générale du bassin construit dans le péristyle de
la maison.
Les murs en élévation sont modernes. On
perçoit l’avaloir à gauche et l’une des colonnes du péristyle à droite (vue du
nord).
Cliché : A. Watel – EFR.
Fig. 36 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Restes de la colonne centrale du bras méridional du péristyle.
À droite, détaché de celle-ci, on perçoit
le mur du bassin (vue de l’est).
Cliché : C. Salviani – EFR.
En effet, sur les six colonnes délimitant
le péristyle, les deux situées au nord et au nord-ouest ont servi d’appui au
mur délimitant le bassin. Cette incorporation a ensuite été masquée par la
restauration moderne de l’intégralité des murs sur la colonne septentrionale.
Il ne reste donc de ce bassin de plan quadrangulaire que son fond, revêtu d’un
épais béton hydraulique qui remontait sur les parois. Dans l’angle nord-est,
côté oriental, un avaloir a été percé. Une canalisation composée d’imbrices a été observée (fig. 37). Dotée d’une forte
pente initiale, elle se dirige vers le nord-est, où il n’a pas été possible de
suivre son parcours. Enfin, aucun élément permettant la mise en eau du bassin
n’a été perçu. On supposera que cette transformation du péristyle servait,
comme en VII 2, 3.6, pour l’humidification du grain avant sa mouture.
Fig. 37 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Rigole de vidange du bassin construite avec des imbrices.
On distingue sur la droite la colonne
constituant l’angle du bassin et son effondrement. En haut, la ligne de mortier
visible constitue la base de la reconstruction moderne du bassin (vue de
l’est).
Cliché : C. Salviani – EFR.
En avant du four, le nettoyage a permis de
mettre partiellement au jour une probable cave encore remplie de matériel
éruptif (fig. 38).
Fig. 38 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Vue générale de l’espace en avant du four lors de la
découverte de l’espace souterrain.
Mosaïque de photos ; vue du sud.
Clichés : N. Monteix – EFR.
Son dégagement intégral n’a pas pu être
mené pour des raisons de sécurité : le vide qui aurait alors été créé
aurait pu entraîner l’affaissement du mur de façade. Seuls trois côtés de cet
espace souterrain ont été observés ; l’éventuelle continuation de celui-ci
vers le nord et la présence d’un bloc de calcaire « du Sarno » en
position instable au-dessus de l’espace de fouille ont interdit l’observation
de la paroi septentrionale. Chacune de ces parois est réalisée en moellons de
basalte et de calcaire liés au mortier et disposés selon des assises
irrégulières (fig. 39).
Fig. 39 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Vue générale de l’espace souterrain lors de l’arrêt du
dégagement.
La paroi effondrée à gauche (à l’est)
laisse apparaître un probable mur de refend est-ouest. Les restes effondrés du
sol de béton sont visibles au premier plan (vue du nord).
Cliché : F. Pauvarel – EFR.
La partie observée de la paroi orientale
est intégralement effondrée, vraisemblablement mise à bas lors de l’éruption
par un mur antérieur, orienté est-ouest qui a poussé le parement. Tant sur les
vestiges de cette paroi qu’au sommet de la paroi occidentale – qui
exploite les fondations du mur de façade – des creusements de poutre ont
été observés, permettant de supposer la présence d’un plancher au-dessus de la
moitié méridionale. Par ailleurs, les nombreux clous, parfois solidaires de
fragments de bois pris par l’oxydation, découverts dans cette portion de la
cave appuieraient également cette proposition. Dans le quart nord-ouest, le
dégagement s’est arrêté sur un niveau de béton épais de 0,12 m
(fig. 40).
Fig. 40 – Pompéi,
boulangerie VII 2, 22 – Plan et coupe de l’espace souterrain.
Les
courbes de niveau du plan correspondent à l’arrêt de la fouille, sur le niveau
de cendres éruptives (isoplèthes d’altitude chaque 2,5 cm).
Échelle : 1/20.
Relevé
/ dessin : F. Fouriaux / N. Monteix – EFR.
Ce niveau paraît avoir constitué le sol
au-dessus de la cave au-delà du plancher. Il semble avoir cédé suite à la disparition des probables poutres le soutenant.
Le pendage du matériel éruptif et de ce fragment de sol conduit à supposer
l’existence d’un mur de refend orienté est-ouest. Cet aménagement pourrait
avoir une profondeur maximale de 1,62 m. Son extension vers le nord et sa
fonction restent cependant indéterminées.
Mau 1886 = A. Mau, Su certi apparecchi
nei pistrini di Pompei, dans MDAIR, 1, 1886, p. 45‑48.
Oberhofer 2008 = K. Oberhofer, Die
Bäckerei VII, 2, 22 in Pompeji, dans G. Grabherr,
B. Kainrath (éd.), Akten des 11.
Österreichischen Archäologentages in Innsbruck. 23.-25.März
2006, Innsbruck, 2008 (Ikarus, 3), p. 205‑214.
Pedroni 2008 = L. Pedroni, Pompei,
Regio VII, Insula 2, pars occidentalis. Le indagini dell’Institut für Archäologien dell’Universität Innsbruck finanziate dal FWF austriaco,
dans M.P. Guidobaldi, P.G. Guzzo (ed.), Nuove ricerche archeologiche
nell’area vesuviana (scavi 2003-2006), Roma, 2008 (Studi della
Soprintendenza archeologica di Pompei, 25), p. 237‑248.
Nicolas Monteix, Sanna Aho, Audrey
Delvigne-Ryrko et Arnaud Watel, « Pompéi, Pistrina », Chronique des activités archéologiques de
l’École française de Rome [En ligne], Les cités vésuviennes, mis en ligne le 01
juillet 2015 URL : http://journals.openedition.org/cefr/1380
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Recherches sur les boulangeries de
l’Italie romaine – campagne 2012
Nicolas Monteix, Sandra Zanella, Sanna
Aho, Raphael Macario et Evan Proudfoot.
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Voir http://cefr.revues.org/954
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Our thanks to Nicolas Monteix and colleagues.
Dans
le cadre du catalogage des différents éléments associés aux boulangeries, le
relevé des marques sur meules a été initié durant cette campagne. Loin d’être
inédites, ces inscriptions ont presque toutes déjà bénéficié de la lecture de
H. Dressel, transcrite dans le volume X du CIL, sous le numéro 8057.
Toutefois, la réalisation d’apographes permet de compléter et parfois de revoir
les lectures proposées. Surtout, l’analyse de ces inscriptions en contexte
permet, par-delà quelques pertes et lacunes, d’esquisser un parcours de ces
moulins entre la carrière et la boulangerie.
Pour
l’heure, sous réserve d’achever les apographes et la recension, aux trente-six
inscriptions éditées par Mommsen, s’ajoutent cinq autres, non mises au jour au
moment de l’édition du second volume du CIL X ou non observées. Quatorze
inscriptions ont été revues, six apographes réalisés (fig. 18).
Fig.
18 - Pompéi Pistrina. Apographes des marques incisées sur des
catilli.
Échelle :
1/10.
Relevé
– dessin : N. Monteix / ÉfR.
Il
convient en première approche de souligner que toutes les inscriptions revues
ont été incisées sur des meules réalisées en basalte d’Orvieto (Note 5).
Toutefois, tous les moulins provenant du Latium ne présentent pas
nécessairement d’inscription. Selon les observations d’H. Dressel,
transmises par Th. Mommsen, sept des trente-deux marques inscrites étaient
rehaussées de peinture rouge, tandis que six étaient exclusivement peintes et
non incisées. Pour l’heure, aucune des inscriptions peintes recensées dans le
CIL ne semble avoir été préservée.
Note
5 : Sur les différentes provenances des meules de Pompéi, voir Buffone
1999, p. 117-130.
Les
inscriptions incisées peuvent être lues tant sur les catilli que sur les metae. Ces dernières sont toutefois plus rares (24 %)
et plus difficiles à revoir en raison de leur possible dissimulation par le
massif maçonné entourant la meule dormante. Quand elles sont sur le catillus,
elles sont systématiquement disposées sous l’un des deux trous d’emmanchement
(fig. 19), c’est-à-dire que le tronc de cône sur lequel elles se trouvent
était posé au sol au moment de la gravure.
Fig.
19 - Pompéi Pistrina. Marque Hos(…) sur les catilli des boulangeries VII 2, 22 (à
gauche) ;) et VI 14, 28-32 (à droite), en remploi ; CIL X, 8057,
7 b.
À
gauche, CIL X, 8057, 7 a; à droite, en remploi,
CIL X, 8057, 7 b.
Cliché :
Fr. Pauvarel / ÉfR et cliché – dessin :
N. Monteix / ÉfR
En
attendant de les revoir toutes, ces marques incisées renvoient à seize noms
différents, pouvant éventuellement être réduits à quatorze. Eu égard à la
nature du support, aucune de ces inscriptions ne comporte plus de trois
lettres. De ce fait, on ne saurait pour l’heure déterminer dans chaque cas à
quel élément de nomenclature tronqué renvoie l’inscription (Note 6). Quelques
exemples suggèrent cependant des tria nomina abrégés et dépourvus de cognomen
(Note 7).
Note
6 : L’inscription GEA(…) [CIL X,
8057, 6 a] pourrait être l’abréviation d’un cognomen, tandis que les marques HOS(…)
[CIL X,
8057, 7], SEX(…) [CIL X, 8057, 11] et TVL(…) [CIL X, 8057,
13] pourraient renvoyer à des gentilices.
Note
7 : Les inscriptions P(…) MA(…) [CIL X,
8057, 10], C(…) MA(…) [CIL X, 8057, 9] et C(…) CO(…) [CIL X,
8057, 4 relue] pourraient correspondre à ce cas de figure.
En
dépit de ces variantes, plusieurs hypothèses peuvent être formulées quant au
sens de ces marques. Elles peuvent avoir été faites (1-) sur le lieu
d’extraction et caractériser soit (1-a) l’exploitant et/ou propriétaire des
carrières, soit (1-b) un simple carrier. Une alternative consisterait à y voir
(2) des marques incisées pour nommer l’acheteur final de la meule, le
boulanger. Le fait que l’on retrouve la même marque dans plusieurs boulangeries
et qu’un même pistrinum présente des meules avec des marques différentes permet
de repousser la dernière hypothèse. On retiendra donc que les inscriptions
incisées renvoient à l’extraction. En suivant cette hypothèse, il est également
possible de considérer que la même carrière (le même carrier ou le même exploitant)
n’a pas de spécialisation dans sa production : elle fera autant des
catilli que des metae. Une dernière remarque peut être faite
quant aux rares inscriptions simplement peintes : leur texte ne se
retrouve jamais parmi les marques incisées ; on considérera donc que ces
indications peintes en rouge pourraient caractériser soit un intermédiaire,
soit le destinataire des moulins.
A
priori, seul un unique exemple est préservé sur un catillus : la meule
encore en place de la boulangerie des Chastes amants (IX 12, 6.8) offre
deux inscriptions peintes à la lecture – à condition de modifier la balance des
couleurs (fig. 20). La première, qui méritera d’être photographiée de
nouveau avec un cadrage plus large, est très effacée et pourrait être un V. La
deuxième, peinte dans un second temps, indiquerait le destinataire du catillus
et donc l’occupant ou le propriétaire de la boulangerie. Les trois lettres
séparées d’un point se lisent C.I.P., que l’on développera en C(aio) I(ulio) P(olybio) ou C(aio) I(ulio)
P(hilippo) (Note 8).
Note
8 : L’intuition que cette boulangerie ait appartenu à Caius Iulius
Polybius avait été émise à titre d’hypothèse par Varone 1989, p. 225-238,
p. 236 et 1991, p. 195-204, p. 200, puis par Zevi 1996,
p. 78-85, p. 79. La lecture de cette inscription paraît leur donner
raison, au moins quant au lien avec les Iulii. Nous adressons par ailleurs tous nos
remerciements à A. Varone pour ses remarques sur la lecture de cette
inscription, confirmant notre transcription.
Fig.
20 - Pompéi Pistrina. Catillus dans la boulangerie des Chastes
amants.
De
gauche à droite : cliché initial ; cliché dont la balance des
couleurs a été numériquement modifiée pour faire ressortir les rouges, passé en
noir et blanc ; schéma d’interprétation du second cliché.
Cliché / DAO :
N. Monteix / ÉfR.
Buffone
1999 = L. Buffone et al., Le macine rotatorie in rocce
vulcaniche di Pompei, dans Rivista di studi pompeiani, 10, 1999,
p. 117-130.
Varone 1989 = A. Varone, Pompei.
Attività dell’Ufficio Scavi: 1989, dans Rivista di studi pompeiani,
3, 1989, p. 225-238, p. 236.
Varone 1991 = A. Varone, Pompei.
Attività dell’Ufficio Scavi: 1991, dans Rivista di studi pompeiani,
5, 1991, p. 195-204, p. 200.
Zevi
1996 = F. Zevi, La casa di
Giulio Polibio, dans M. R.
Borriello (éd.), Pompei. Abitare sotto il
Vesuvio, Ferrare, 1996, p. 78-85, p. 79.
Nicolas Monteix, Sandra Zanella, Sanna
Aho, Raphael Macario et Evan Proudfoot, « Pompéi, Pistrina »,
Chronique des activités archéologiques de l’École française de Rome [En ligne],
Les cités vésuviennes, mis en ligne le 23 mai 2013, URL : http://journals.openedition.org/cefr/954